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Chronique Animale - Épisode 10 : Volage comme un oiseau

29/03/2021

Les oiseaux monogames ont une vie dissolue. Loin de l’image d’Épinal des inséparables, madame et monsieur entretiennent des relations extraconjugales nombreuses et variées. Les « événements de cocuage », comme le disent joliment les biologistes du comportement, sont à ce point fréquents qu’un oisillon sur dix en moyenne serait issu d’une relation infidèle.

L’intérêt des mâles dans cette affaire semble évident. Multiplier les partenaires leur garantit une plus grande progéniture à moindre coût puisque les enfants illégitimes seront élevés par un voisin dans l’ignorance. Mais la réciproque est toujours possible, les Don Juan peuvent aussi être des cocus en puissance.

Qu’en est-il des femelles ? Pourquoi chercheraient-elles à collectionner les conquêtes ? Dans une étude publiée en 2020, trois chercheurs de l’institut Max-Planck d’ornithologie de Pöcking, en Allemagne, ont testé l’hypothèse selon laquelle elles s’engageraient dans des copulations hors couple afin d’assurer la fécondation de leurs œufs. En effet, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de connaître la qualité spermatique de son partenaire. Si ce dernier s’avère stérile, les œufs non fécondés seront couvés sans succès. À la perte des œufs s’ajouteront les coûts temporels et énergétiques d’une couvaison inutile.

Lors des suivis annuels de la reproduction d’une population de mésanges bleues, les trois chercheurs ont pu observer, pendant trois années successives, le comportement d’un mâle stérile identifié par le numéro de bague B4H0058. En 2017, l’oiseau s’accouple avec la femelle baguée B4P8179. Sur les neuf œufs pondus, deux disparaissent. Les sept autres sont tous fécondés mais par un mâle d’un territoire voisin. En 2018, B4H0058 s’accouple avec une nouvelle compagne qui va pondre dix œufs. Après vingt-quatre jours de couvaison et aucune éclosion, l’analyse des œufs confirmera la stérilité du mâle. En 2019, nouvelle partenaire et deux nichées en quelques semaines de neuf et six œufs. Huit des neuf œufs de la première couvée ont été fécondés par le mauvais garçon d’à côté, un mâle libre de toute contrainte, sans territoire ni partenaire connue. La seconde couvée de six a été entièrement fécondée par un second mâle du voisinage.

Les chercheurs ont estimé la proportion de mâles stériles chez les mésanges bleues entre 0,5 et 3 %. Ainsi, la paternité hors couple serait un moyen efficace pour les femelles de lutter contre le risque de stérilité de leur compagnon. Un don de sperme qui ne porte pas son nom.

Santema P., Teltscher K. et Kempenaers B., « Extra‐pair copulations can insure female blue tits against male infertility », Journal of Avian Biology, vol. 51, no 6, 2020.