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Chronique Animale - Épisode 19 : Coup de chaud pour les bouquetins des Alpes

31/08/2021

Pour les espèces animales, ça chauffe aussi. Le dérèglement climatique les confronte brutalement à des conditions nouvelles. Le bouquetin des Alpes (Capra ibex) n’échappe pas à la règle. En effet, l’augmentation des températures moyennes et l’intensification de la fréquence des événements extrêmes sont particulièrement visibles dans les écosystèmes froids, que ce soit au niveau des pôles ou dans les zones d’altitude. Bien tranquille sur les contreforts de nos montagnes, le bouquetin des Alpes doit depuis quelques années faire avec des températures records. Des coups de chaud nommés « stress thermique » qu’il n’apprécie pas.

Habituellement, notre paisible mammifère évolue sur les pentes escarpées au gré de la croissance des plantes, montant toujours plus haut en été à la recherche des verts pâturages et descendant en hiver pour se nourrir. Ses capacités d’adaptation physiologiques et comportementales lui permettent de faire face aux contraintes climatiques de la montagne et aux variations de disponibilité des ressources. Comment s’y prend-il ? En ajustant le temps consacré aux activités de nourrissages afin de contrôler les variations climatiques et la température de son corps. Mais son comportement est affecté dès que les températures dépassent les 13-14 degrés. Pour lui, c’est un coup de chaud et, passé cette limite, l’animal est moins à son aise.

Des chercheurs italiens et français ont voulu comprendre comment nos bouquetins pouvaient réagir face aux températures anormalement élevées. À partir de travaux de modélisation, ils ont analysé les déplacements des femelles en fonction des températures et de la végétation disponible. À partir de 13-14 degrés, des changements apparaissent. Les femelles diminuent leur activité la journée et s’alimentent plus tôt le matin et plus tard dans la journée, voire une partie de la nuit, lorsqu’il fait moins chaud. Les femelles avec des jeunes, et donc soumises à des contraintes énergétiques dues à la présence des chevreaux, adoptent une stratégie différente des autres : elles misent sur l’altitude où les températures sont naturellement moins élevées. Elles vont plus souvent et restent plus longtemps sur les hauteurs, en particulier les jours les plus chauds, et cherchent la nourriture toute la journée. Mais cette réponse semble bien dérisoire devant la rapidité du changement climatique.

Les projections récentes montrent que la température de 13-14 degrés, critique pour les bouquetins, sera dépassée trois fois plus souvent dans un futur proche. Les animaux seront alors plus fréquemment et sur des périodes plus longues confrontés à un stress thermique. Les rares zones d’altitude pouvant fournir un refuge thermique ne seront pas suffisantes pour les aider à lutter contre des températures de plus en plus hostiles. La distribution géographique des populations de bouquetins pourrait être rapidement impactée. En attendant, les chercheurs observent les réactions des bouquetins en espérant qu’ils trouvent de nouvelles parades.

 

Semenzato P. et al., « Behavioural heat‐stress compensation in a cold‐adapted ungulate: Forage‐mediated responses to warming Alpine summers », Ecology Letters, vol. 24, 2021, p. 1556-1568.