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Chronique animale - Épisode 20 : Les macaques font davantage confiance à leurs parents

14/09/2021

La vigilance est une question de survie pour la majorité des espèces. Elle est un élément primordial de leurs stratégies anti-prédateurs, leurs permettant de détecter et d’identifier les diverses menaces avant qu’il ne soit trop tard.

À chaque instant, les proies potentielles restent aux aguets, attentives au moindre signe de la présence d’un danger, quitte à passer moins de temps à se nourrir. Cette surveillance active demande donc de sacrifier leur propre quête de ressource pour ne pas être mangées. Moins se nourrir pour rester en vie. Manger ou être manger, telle est la question.

Chez de nombreuses espèces sociales, la vie en groupe est une solution pour réduire le temps que chaque individu consacre à la vigilance. En effet, au sein d’un groupe, les individus peuvent compter sur la surveillance des autres. Inutile alors de tous surveiller en même temps, quelques individus vigilants suffisent à assurer la protection de la troupe. À tour de rôle, les uns guettent, permettant aux autres de vaquer à leurs occupations dans une relative tranquillité. Plus le groupe est important, plus le temps consacré à la vigilance peut être partagé, au point que les niveaux de vigilance individuels sont généralement négativement corrélés à la taille du groupe. Il existe cependant des variations importantes entre individus car les tricheurs passent régulièrement leur tour de surveillance.

Chez les primates, les études sur les effets de la taille du groupe ne valident pas totalement les prédictions théoriques. La complexité des relations sociales et la qualité des interactions entre individus pourraient-elles expliquer au moins en partie la variation dans les niveaux de vigilance individuels ? Deux chercheurs japonais ont utilisé les données d'un groupe de macaques suivi depuis 1962, au sein du Parc aux singes de Jigokudani, pour répondre à ces interrogations. L’objectif de leur étude était d’examiner les effets de la qualité et de la quantité de relations sociales sur les niveaux de vigilance. Pour cela, le comportement de chaque macaque a été analysé en fonction du nombre de ses voisins et de ses liens de parenté.

Les scientifiques ont constaté que la fréquence de vigilance était plus faible lorsque la majorité des voisins étaient des apparentés et que la proportion de temps consacré à la vigilance diminuait à mesure que le nombre de parents proches augmentait. Cependant, lorsque les apparentés étaient en minorité, le nombre de voisins n'affectait pas les niveaux de vigilance. Le rôle des parents dans les variations des niveaux de vigilance est essentiel dans les relations sociales des macaques. En effet, le principal danger pour eux n’est pas la présence de prédateurs, mais celle de congénères mal intentionnés. Les macaques japonais sont connus pour leur fort népotisme et doivent faire face à des menaces sociales récurrentes. C’est en formant des coalitions entre proches parents qu’ils évitent ces relations antagonistes. Ainsi, partager la vigilance entre « parents » est un moyen de réduire le temps consacré à cette tâche, tout en comptant sur la vigilance d'alliés potentiels en cas de conflits. De tels comportements pourraient également exister avec des amis…

 

Iki S. et Kutsukake N., « Japanese macaques relax vigilance when surrounded by kin », Animal Behaviour, vol. 179, 2021, p. 173-181.