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Chronique animale - Épisode 22 : Jouer à tout âge chez les hyènes tachetées

12/10/2021

Les hyènes tachetées (Crocuta crocuta) sont des animaux étranges. Leur apparence physique et leurs comportements les rapprochent des canidés (les loups, les chiens…) alors qu’elles sont cousines des félins. L’organisation de leur clan selon le principe de fission-fusion est unique pour des mammifères carnivores et rappelle les habitudes des primates. Un clan de hyènes est une entité mouvante, les membres peuvent s’associer en sous-groupes plus ou moins nombreux en fonction des ressources alimentaires disponibles mais aussi décider de chasser seuls. Enfin la croyance populaire voudrait qu’elles aiment rire alors que leurs vocalises sont un mode de communication élaborée qui leur permet de décliner leur identité et leur statut hiérarchique. Ces mammifères n’en finissent plus de nous surprendre.

Récemment, une équipe de chercheur de l’université de Pise en Italie s’est intéressée à leurs jeux. Chez de nombreuses espèces de mammifères, le jeu permet aux jeunes individus d’apprendre les règles sociales du groupe. Lors des simulations de combat, ils s’exercent à atteindre les parties du corps ciblées lors des agressions. Très présent chez les juvéniles, le jeu a généralement tendance à diminuer à la puberté et se rencontre peu à l’âge adulte. Chez les hyènes tachetées, on continue à jouer même une fois devenu adulte. Quel rôle peut donc avoir le jeu ? Bien connaître ses partenaires est un ciment du groupe et respecter les hiérarchies, un code d’honneur. C’est pourquoi le jeu tient un rôle important.

À partir d’observations d’un groupe de hyènes dans la réserve de Makalali, en Afrique du Sud, les scientifiques ont cherché à quantifier l’importance des phases de jeu, les différents individus impliqués et le rôle de ces jeux dans les futures interactions. Il apparaît que les jeunes et les adultes consacrent autant de temps au jeu et montrent la même motivation à initier et maintenir les activités ludiques. En clair, tout le monde joue, souvent, et à n’importe quelle heure. En s’amusant, les immatures peuvent améliorer leurs compétences motrices et physiques. Un entraînement intensif qui occupe une grande partir de leurs journées. Chez les adultes, nul besoin de développer sa force, le jeu permet plutôt d’obtenir des informations sur le comportement des jeunes avec lesquels ils devront interagir dans le futur. Contrairement à ce que les chercheurs avaient imaginé, les séquences de jeu entre des individus dont les aptitudes physiques étaient inégales duraient plus longtemps. Parce que le jeu reste un jeu. Un individu plus faible n’abandonne pas la partie, et en raison de l’absence d’escalade vers de véritables combats, juvéniles et adultes gèrent ces sessions de jeu malgré des rapports de force déséquilibrés.

Pour les chercheurs, ces résultats suggèrent que le jeu de combat chez les hyènes tachetées est un moyen pour les jeunes et les adultes de se rencontrer, de s’évaluer en toute sécurité dans un cadre codifié. Il les prépare à une vie sociale complexe où il est primordial de connaître les individus avant de relever les défis réels du clan. Chez les hyènes tachetées, l’école du jeu est la base de l’apprentissage de la vie en groupe. Apprendre en jouant, le rêve de bien des enfants humains !

 

Nolfo A. P., Casetta G. et Palagi E., « Play fighting in wild spotted hyaenas: like a bridge over the troubled water of a hierarchical society », Animal Behaviour, 2021.