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Chronique animale - Épisode 23 : Un singe averti en vaut deux

26/10/2021

Le soleil à peine levé, la troupe de singes vervet (Chlorocebus pygerythru) se met en mouvement à la recherche de nourriture matinale. La faim ne fait cependant pas oublier l’essentiel et chaque individu surveille les alentours pour détecter d’éventuels prédateurs. L’aube et le crépuscule sont des périodes propices à la chasse. Les singes vervet, aussi nommés singes bleus, sont présents sur toute la façade est de l’Afrique, de l’Ethiopie à l’Afrique du Sud. Ils sont reconnaissables à leur pelage d’un gris-vert lumineux qui met en valeur leur visage sombre. Les vervets sont connus pour fréquenter une grande diversité d’habitats, des savanes aux parcs urbains, cherchant durant la journée leur pitance au sol. Ils peuvent émettre une grande diversité de cris d’alarmes pour indiquer à leurs voisins d’où vient le danger, la nature du prédateur (oiseau, serpent ou mammifère) et l’importance de la menace, forte ou faible. Une surveillance de groupe qui explique en partie, pour les scientifiques, les avantages de la vie sociale. Cependant, une question demeure : la vigilance et plus encore la détection d’un prédateur sont censées impacter la recherche de nourriture des animaux mais les preuves manquent.

Des scientifiques sud-africains et canadiens ont donc cherché à vérifier si la détection de prédateurs affectait les comportements à court terme des singes au détriment de leur activité de recherche de nourriture, et dans quelle mesure le fait de vivre en groupe pouvait en limiter les conséquences négatives. Deux groupes de singes ont été suivi dans leur milieu naturel. Ces derniers sont naturellement exposés à de nombreuses et fréquentes menaces. Il ressort que dans l’heure suivant la détection d’un prédateur, les singes étaient sensibles à l’intensité du cri d’alarme de leur congénère et devenaient plus attentifs en passant d’une vigilance générale non ciblée à une vigilance centrée sur le prédateur nouvellement détecté. Néanmoins, et contre toute attente, les chercheurs n’ont pas noté de modification des niveaux de vigilance. Autrement dit, en présence d’un danger imminent, les singes n’augmentaient pas le temps passé à surveiller le prédateur, mais gardaient un œil attentif sur ce dernier. Les niveaux de vigilance étaient restés faibles sans perturber plus que de raison la recherche de nourriture ou les interactions sociales comme les longues séances d’épouillage. Les singes semblaient imperturbables face au danger.

Un flegme incroyable qui peut s’expliquer par la fréquence des rencontres avec les prédateurs. L’arrêt de l’alimentation au moindre danger serait inconciliable avec la vie de la troupe tant le nombre de prédateurs est important dans leur environnement. En gardant leur calme face au danger, les singes vervet peuvent continuer à s’alimenter. Chez les vervets, un singe averti en vaut deux.

 

Henzi S. P. et al., « Keep calm and carry on: reactive indifference to predator encounters by a gregarious prey species », Animal Behaviour, vol. 181, 2021, p. 1-11.