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Chronique animale - Épisode 31 : Pénis à usage unique

22/02/2022

Une de leurs singularités, et non des moindres, est la tendance des mâles à se séparer de leur sexe après l’accouplement.

Des scientifiques japonais se sont spécialisés dans l’étude et la compréhension de ce phénomène. Ils cherchent à saisir ce qui pousse les mâles à s’émasculer et les avantages qu’ils en tirent. Dans une première série Les amours des limaces de mer, ou nudibranches, sont célèbres pour connaître des épilogues étranges. d’expériences (voir la chronique 12 : Amour et pénis jetable) ils ont ainsi pu mettre en évidence que certaines espèces possédaient un pénis couvert d’épines. Cette adaptation permet à ces messieurs de retirer les spermatozoïdes des autres mâles déjà présents dans le tractus génital des femelles suite à un précédent accouplement. En jetant leur organe après copulation, ils retirent les spermatozoïdes étrangers accrochés aux épines tout en laissant leur semence. Une stratégie intéressante pour garantir l’exclusivité de la fécondation des œufs. Mais est-ce la même chose pour toutes les espèces dans l’immense famille des nudibranches ?

Ce groupe de chercheurs s’est donc attaché à comparer le comportement de reproduction et la morphologie de l'appareil reproducteur chez plusieurs espèces de limaces marines. Dans leur dernière étude publiée en 2021, ils ont découvert une curieuse structure en spirale dans les canaux déférents (les canaux qui transportent les spermatozoïdes) des espèces qui avaient la capacité d'autotomiser leur pénis. Ces structures spiralées sont supposées être les « prochains pénis ». Encore indifférenciés, ils attendent leur moment. Ainsi, dès l’abandon volontaire de leur organe, un autre est prêt à le remplacer. Un sexe neuf qui pousse en quelques heures, bien pratique pour ne pas manquer les prochaines opportunités de reproduction et qui assurent des copulations successives. Mais ce n’est pas tout...

Ces espèces ont des sexes lisses dépourvus d’épines. Alors, s’il n’est pas utile de se débarrasser de son sexe pour éviter les concurrents, pourquoi le jeter ? Là encore, la découverte des chercheurs a de quoi surprendre. Lorsque les mâles autotomisent leur sexe, l'extrémité du pénis se détache et reste dans le vagin de leur partenaire. Une perte qui a une fonction bien précise. En restant coincé à cet endroit, il bloque le passage des spermatozoïdes des autres mâles potentiels. Cela suggère que les pénis autotomisés chez ces nudibranches fonctionnent comme des bouchons copulatoires. Une stratégie bien connue chez certains insectes comme les blattes et les criquets, mais aussi chez les vers parasites acanthocéphales qui possèdent des « glandes à ciment » spécialement dédiées à la fabrication de ces bouchons.

Décidément, pour nos nudibranches, le pénis est un véritable couteau suisse plein de surprises.

 

Sekizawa A., Tsurumi Y., Ito N. et Nakashima Y., « Another usage of autotomized penis », Journal of Ethology, vol. 39, 2021, p. 319-328.