Chronique animale - Épisode 34 : Sois beau et tais-toi !
05/04/2022
Lorsqu’arrive la période des amours, le choix du partenaire reproducteur devient la première préoccupation de tous. Pour trouver l’élu(e) de son cœur les individus, en fonction des espèces, se basent sur les couleurs les plus attractives, la taille, la force physique, la complexité des parades nuptiales ou encore la résistance aux maladies. Mais pas seulement…
Si pour expliquer l’art de la séduction, les chercheurs se sont longtemps intéressés aux caractères physiques, l’intelligence dans la sélection sexuelle a reçu peu d'attention. Pourtant les capacités cognitives des individus peuvent être cruciales pour utiliser au mieux le milieu naturel et gérer de manière appropriée les relations sociales.
C’est ici que l’on retrouve un dilemme vieux comme le monde : vaut-il mieux un partenaire intelligent ou beau, car en trouver un disposant des deux qualités reste rare.
Náyade Álvarez-Quintero et ses collaborateurs de l’université de Vigo ont étudié les traits sexuels secondaires et les capacités cognitives des mâles d’épinoches à trois épines (Gasterosteus aculeatus). Chez cette espèce de poisson, les mâles présentent des comportements de parade nuptiale élaborés, séduisant les femelles par des danses en zigzags et d’intenses mouvements de ventilation traduisant leur bonne condition physique. Par ailleurs, ces messieurs construisent un nid avec des algues filamenteuses et des sécrétions rénales pour accueillir les œufs, dont la complexité indique leurs capacités cognitives. Les femelles expriment aussi une préférence esthétique pour ceux arborant la plus forte coloration rouge sur les joues et la gorge.
Dans des séries d’expériences, les chercheurs ont analysé le choix des femelles pour des mâles en fonction de leur intelligence. Première étape, les capacités cognitives des mâles et des femelles ont été mesurées par un test portant sur les représentations spatiales. Placés dans un aquarium, les poissons voient, à travers des barrières transparentes, une récompense qui n'est pas directement accessible. Il leur faut contourner des obstacles pour y accéder, ce qui permet de quantifier les capacités cognitives individuelles. Par la suite, la préférence des femelles a été évaluée dans un test où chacune était exposée à deux mâles ayant des performances contrastées aux tests cognitifs. Il ressort que la préférence des femelles pour les mâles les plus performants est influencée par leur propre « intellect ». Celles dont les capacités cognitives sont relativement moyennes ou faibles préféraient les mâles ayant des capacités cognitives élevées, alors que les femelles plus malines ne montraient aucune préférence, s’intéressant visiblement peu à « l’intelligence » des mâles. En revanche, les plus « intelligentes » marquaient plus d’intérêt pour la beauté physique que pour l’intelligence de leur partenaire, préférant les mâles aux capacités cognitives faibles mais présentant une coloration rouge.
Pour les chercheurs, ces premiers résultats illustrent comment les traits cognitifs des deux sexes influencent la préférence des femelles pour un partenaire sexuel. Les plus intelligentes semblant adopter comme règle : « Sois beau et tais-toi ! »
Álvarez-Quintero N., Velando A. et Kim S. Y., « Smart mating: the cognitive ability of females influences their preference for male cognitive ability », Behavioral Ecology, vol. 32, 2011, p. 803-813.