Chronique animale - Épisode 38 : C’est mieux que rien…
30/05/2022
L’art de la séduction animale est parfois surprenant. Il arrive ainsi, chez les animaux vivant en groupe, que les mâles accordent leurs violons pour la parade nuptiale alors qu’ils sont en compétition pour obtenir les faveurs des femelles…
Les scientifiques se sont intéressés aux crabes violonistes (Austruca mjoebergi). Une espèce où les mâles se regroupent et effectuent des danses collectives pour espérer obtenir les faveurs du sexe désiré. Or il a été démontré que les femelles préfèrent le mâle de tête, celui qui mène la danse, lance la parade et dont l'onde commence peu avant les autres. Si les femelles ont une forte préférence pour les leaders de la troupe, pourquoi les autres mâles, ceux que l’on nomme les suiveurs et qui se placent derrière les premiers, acceptent de participer à l’effort collectif ? Arrivent-ils par ce moyen à obtenir quelques conquêtes qui leur sont interdites s’ils restent seuls ?
Des scientifiques australiens de l’université de Canberra ont cherché à élucider ce mystère. À partir d’expériences utilisant des crabes mâles robots qui imitaient le comportement d'ondulation de véritables crabes, ils se sont attelés à trois questions : 1) les mâles suiveurs obtiennent-ils une petite proportion des accouplements ? 2) sont-ils plus susceptibles d'attirer les femelles s'ils sont positionnés près d'elles ? et 3) la synchronie présente-elle un avantage pour tous les mâles ?
Résultat des courses : les femelles sont plus susceptibles de s'approcher d'un groupe hautement synchrone, avec un leader qui marque le rythme, plutôt que d’un groupe de danseurs disparates. Par ailleurs, la proximité d'un suiveur par rapport à la femelle n'affecte pas la préférence pour les leaders. Elle garde ses yeux de Chimène pour le meneur en présence ou non de mâles suiveurs dans les parages. Cependant, même si les femelles montrent une forte préférence pour les mâles leaders, il arrive que des suiveurs obtiennent une petite proportion de partenaires sexuelles. Une petite compensation pour leurs efforts. Nos crabes violonistes ont visiblement adopté le proverbe « mieux vaut peu que rien ».
Harrison L. M., Melo G. C., Perez D. M. et Backwell P. R., « Why signal if you are not attractive? Courtship synchrony in a fiddler crab », Behavioral Ecology, vol. 32, 2021, p. 1224-1229.