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Chronique animale - Épisode 40 : Les oiseaux géomètres

28/06/2022

Le cassenoix d'Amérique (Nucifraga columbiana) est connu pour se constituer des réserves de nourriture en prévision des périodes de disette. Ce passereau peut ainsi cacher des dizaines de milliers de graines à l'automne et les récupérer au cours de l'hiver et du printemps suivants. Les oiseaux se souviennent avec précision de l'emplacement de leurs caches, un exploit qui nous impressionne, nous qui égarons si facilement nos clefs et nos lunettes. Leur efficacité à retrouver leurs cachettes interrogent les scientifiques et notre cassenoix est devenu une espèce modèle pour analyser les capacités des oiseaux en matière de mémoire spatiale.

Pour percer ce mystère, Thomas Collet de l’université du Sussex a entraîné des cassenoix à chercher des graines selon un protocole millimétré. Le long d'une ligne reliant deux repères cylindriques de couleurs différentes, des graines étaient toujours cachées à un endroit précis, exactement à un quart de distance du premier cylindre et à trois quarts de l'autre. D'un essai à l'autre, la distance entre les deux cylindres pouvait varier de 28 à 108 cm, mais l’emplacement des graines respectait toujours un rapport de 1/3 entre la graine et les deux cylindres. Ainsi, pour une distance de 28 cm entre les deux cylindres, la graine était cachée à 7 cm du premier et 21 du second, et pour une distance de 108 cm, la graine était située à 27 cm et 81 cm du second. La difficulté de l’expérience pour l’oiseau était d’intégrer la variation de la distance absolue séparant les cylindres entre les diverses expériences.

Contre toute attente, les passereaux ont facilement maîtrisé le problème et ont systématiquement cherché sur la ligne le point où le rapport entre les deux distances aux cylindres était de 1/3. Leur performance n’a pas été affectée lorsque la distance entre les deux cylindres a été modifié. Comment les oiseaux arrivent ils à une telle prouesse ? Selon Thomas Collet, il semble que les cassenoix combinent et croisent les informations de distance entre les deux points de repère, ce qui leur permet de déterminer géométriquement où ils doivent chercher les graines enterrées. Les résultats semblent démontrer que les oiseaux utilisent des règles complexes pour définir avec certitude où creuser. De vrais géomètres qui jamais ne se trompent !

 

Collett T. S., « Animal navigation: Birds as geometers? », Current Biology, vol. 10, 2000, R718-R721.