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Chronique animale - Épisode 52 : Comment les chiens vivent le deuil

17/01/2023

La capacité à faire le deuil à la suite de la mort d’un proche a été suggérée pour diverses espèces animales. La plupart des exemples rapportés concernent des espèces sociales telles que les grands singes, les cétacés ou les éléphants. Les réactions face à la mort sont décrites comme des rituels, notamment parce que les individus vivants touchent, transportent et examinent attentivement les cadavres. Ces comportements fascinent les chercheurs mais le sujet est sensible et encore fortement débattu. Les preuves sont rares et il est difficile dans la nature de concevoir des expériences scientifiques reproductibles et représentatives des situations réelles. Par ailleurs, il existe toujours un risque d'interprétation anthropocentrique qui pourrait altérer notre jugement.

Des chercheurs italiens ont eu l’idée d’analyser les effets de la perte d’un congénère chez le chien domestique, une expérience qui comporte quelques avantages. Étant donné que les chiens n'ont pas accès au cadavre de leur compagnon, ou seulement lors d’un bref moment, seule la réaction à la séparation de l'individu est évaluée. Comme ils vivent avec nous, il est facile de les étudier sans les déranger. Enfin, d'un point de vue biologique, l'apparition de comportements semblables au chagrin pourrait alors être considérée comme une réaction à la séparation avec un individu familier.

L’objectif de cette étude était d'identifier et de quantifier les réactions des canidés à la suite de la perte d'un compagnon. Les chercheurs ont conçu un questionnaire pour obtenir des données sur des comportements de routine comme le jeu et le sommeil, mais aussi plus rares tels que les vocalises et les réactions de peur, avant et après la perte d’un congénère. Une analyse quantitative a été réalisée à partir de 426 situations où un propriétaire avait possédé au moins deux chiens, dont l'un était décédé.

Les résultats indiquent qu'une relation amicale ou de parenté entre deux chiens, mais aussi le fait qu’ils avaient l'habitude de partager leur nourriture sont les principaux prédicteurs de changements comportementaux. Ainsi, à la suite d’un décès, le chien survivant a changé ses comportements à la fois en matière d'activités et d'émotions. Il apparaît que son attention était accrue de 67 %, avec une diminution du jeu de 57 % et du niveau d'activité de 46 %. L’animal dormait aussi plus souvent et avait une augmentation de 35 % de sa peur. Enfin, il mangeait moins et vocalisait davantage.

Ces résultats indiquent qu'un chien peut présenter des schémas comportementaux et émotionnels liés au deuil lorsqu'un proche congénère meurt. Il s'agit d'un problème de bien-être pour l’animal qui a été négligé jusqu’à présent alors qu’un nombre relativement élevé de chiens vivent avec au moins un autre compagnon. Une preuve supplémentaire de leur sensibilité.

Uccheddu S. et al., « Domestic dogs (Canis familiaris) grieve over the loss of a conspecific », Scientific reports, vol. 12, 2022, p. 1-9.