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Chronique animale - Épisode 55 : Le gratte-dos, la plus belle invention animale ?

07/03/2023

Certaines innovations anodines en disent long sur nos tracas du quotidien. L’utilisation d’outils a longtemps été considérée comme une affaire purement humaine. Jusqu’à ce que les observations – recueillies dans les années 1960 par la fameuse éthologue Jane Goodall – de chimpanzés utilisant une branche minutieusement préparée pour capturer des termites bouscule nos certitudes : nous ne sommes plus les seuls à innover. Depuis lors, ce phénomène a été constaté chez un grand nombre d'espèces, des invertébrés aux grands singes, même si elle ne concerne pas plus de 1 % des genres connus. Et les scientifiques vont de surprise en surprise.

Trois chercheurs du département de zoologie de l’université d’Oxford et du centre de recherche de la nature d’Islande relatent dans un article publié en 2020 deux observations surprenantes faites chez le macareux moine (Fratercula arctica). Ce petit oiseau marin de l’Atlantique Nord est le symbole de l’Islande qui héberge plus de 2 millions de couples. Le 18 juin 2014, sur l'île de Skomer, un adulte a été vu tenant un bâton en bois dans son bec et l'utilisant pour se gratter le dos pendant cinq secondes. L'oiseau était assis sur une falaise de la colonie, au milieu de ses congénères. Le 13 juillet 2018, sur l'île de Grimsey, une vidéo a enregistré un comportement similaire. Un macareux adulte ramasse un bâton en bois sur le sol et l'utilise pour se gratter les plumes de la poitrine. De quoi réviser notre jugement péjoratif sur le perroquet de mer, comme on le surnomme, qui, à cause de son air pataud, prête à sourire lorsqu’il est à terre.

L'utilisation de bâtons est fréquente chez les espèces utilisant des outils, le plus souvent dans un contexte de recherche de nourriture, rarement pour la communication ou la défense, hormis les démonstrations de force entre chimpanzés. Chez nos macareux, rien de tel. Les oiseaux se frottent leur plumage en utilisant les petits morceaux de bois pour faciliter les soins du corps. Les chercheurs pensent qu’ils se servent des bâtons comme d’un grattoir, utilisé pour déloger des parasites ou pour soulager une démangeaison. Comme les oiseaux ont le plus souvent accès à la majeure partie de leur corps avec leur bec, ce comportement serait rare. Néanmoins, des observations de perroquets captifs se grattant avec des bâtons suggèrent que ce comportement peut exister dans la nature. Et voilà comment la patience des ornithologues est récompensée. Le gratte-dos serait largement répandu pour satisfaire un des plus anciens et universels besoins.

 

Fayet A. L., Hansen E .S. et Biro D., « Evidence of tool use in a seabird », Proc Natl Acad Sci U S A, vol. 117, 2020, p. 1277-1279.