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La tête dans les étoiles - Épisode 44 : La Montagne solitaire

08/02/2021

C’est assurément une des plus étranges montagnes de tout le Système solaire. Ahuna Mons de son nom officiel, au départ surnommée « la Montagne solitaire » en guise de clin d’œil à l’œuvre de Tolkien, surplombe du haut de ses 4000 mètres, les étendues désertiques et constellées de cratères d’impact de Cérès, le plus gros des astéroïdes et aussi la planète naine la plus proche de la Terre. 

Si elle ne renferme ni dragon endormi ni monceaux d’or et de pierres précieuses, la montagne à la forme conique quasi parfaite évoque bien sûr nos volcans terrestres ou leurs immenses homologues martiens, mais sa zone sommitale presque parfaitement plate s’en distingue notablement. Pourtant, tout porte à croire que cette structure est d’origine volcanique, quoique régie par des processus sans rapport avec ce que nous connaissons sur Terre.

 

D’abord, Cérès est bien trop petite pour avoir conservé une chaleur interne suffisante pour que la roche y soit liquéfiée par endroits. La « lave » ayant formé Ahuna Mons est donc composée de glace, d’eau, de boue et de saumure – un fluide froid, donc, d’où le terme de cryovolcan. Ensuite, le mécaniste pour faire remonter cette eau d’ordinaire gelée à la surface est bien différent de ce qu’il se passe sur Terre. En l’occurrence, il doit ici être cherché à l’exact antipode de Ahuna Mons. On y trouve en effet le plus grand cratère d’impact de la planète naine, dénommé Kerwan. On pense que l’onde de choc qui a résulté de la formation de ce dernier a parcouru toute la surface de Cérès pour se refocaliser sur le point opposé à l’impact. Ce choc secondaire aurait craquelé la surface et réchauffé la glace en sous-sol, la rendant plus fluide (géologiquement parlant), à l’image des glaciers terrestres. Celle-ci se serait alors lentement faufilée à la surface, emmenant avec elle suffisamment de roches pour former le cône de la montagne, mais sans jaillir sous forme liquide et former de cratère sommital.

 

 

Ahuna Mons vue par la sonde américaine Dawn (en haut). Modèle 3D reconstitué à parti des données altimétriques et d’imagerie recueillies par la sonde (en bas).

Crédit : NASA / JPL-Caltech / UCLA / Max Planck Institute for Solar System Studies / German Aerospace Center / IDA / Planetary Science Institute