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La tête dans les étoiles - Épisode 50 : Hypocrisie... pour la bonne cause

03/05/2021

En 2011, la NASA lançait la sonde Juno à destination de Jupiter. Au programme, une étude détaillée de la structure de la planète géante et de son champ magnétique dans le but d’élucider les mystères entourant sa formation, qui a eu une influence déterminante sur le devenir des autres planètes du Système solaire…

L’intérieur de la planète intéressait les scientifiques et les ingénieurs ont bardé leur vaisseau d’une dizaine d’instruments aux noms barbares : radiomètres, magnétomètres, antennes dipolaires et autres spectrographes. Mais peu avant le lancement de la sonde, nombre de citoyens américains se sont étranglés en constatant qu’aucun système d’imagerie digne de ce nom n’avait été incorporé à la sonde. Un oubli d’autant plus fâcheux que vingt-cinq ans plus tôt, la mission Galileo, la seule autre sonde à avoir été en orbite autour de Jupiter, n’avait pu réaliser de clichés de la planète en raison d’une cascade d’avaries techniques. Concernant Juno, ce choix se justifiait cependant. Les phénomènes atmosphériques « de surface » ne faisaient pas partie des objectifs scientifiques de la mission et, chaque kilogramme d’équipement valant de l’or, pas question d’ajouter un instrument non prioritaire.

Sauf que les contribuables américains sont les financeurs exclusifs de cet ambitieux projet spatial par l’intermédiaire de leurs impôts. Sous la pression populaire (sans doute relayée par la NASA), les scientifiques en charge de Juno se sont donc résolus à installer un imageur sur la sonde, mais d’une conception assez basique eu égard aux contraintes de poids et en se contentant de mettre en ligne son manuel d’utilisation, charge ensuite aux « citoyens scientifiques » – dans la nomenclature de la NASA – de tirer des images à partir des données brutes recueillies par la caméra. Et miracle, même avec un instrument aussi rudimentaire, les images des régions polaires de Jupiter sont magnifiques… au point que les scientifiques de Juno les utilisent pour promouvoir leur mission.

 

Et cette publicité n’est pas près de s’arrêter : l’évolution complexe de la trajectoire de la sonde dans sa course autour de Jupiter va lui permettre d’effectuer dans les années à venir quelques passages rapprochés de plusieurs de ses satellites, à commencer par Ganymède au mois de juin prochain.

 

 

Quelques-unes des innombrables et hypnotiques formations nuageuses des régions polaires de Jupiter observées par Juno.

 

Crédit : NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS/Kevin M. Gill/Gerald Eichstädt/Seán Doran