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La tête dans les étoiles - Épisode 63 : Mondes en collision

30/11/2021

Que s’est-il passé en janvier 2002 dans la constellation de la Licorne ? Le 6 de ce mois, l’astronome amateur N. J. Brown y découvrait une étoile non répertoriée, dont l’éclat augmentait rapidement. Baptisée « V838 Monocerotis » (comprendre : la 838e étoile d’éclat variable répertoriée dans cette constellation, ici mentionnée sous son nom latin), l’astre surprit tous les astronomes en raison du caractère très atypique de l’explosion dont elle était le siège.

 

La logique aurait voulu qu’il s’agisse d’une nova, c’est-à-dire de l’augmentation temporaire et parfois importante de la luminosité d’une étoile mourante à la suite d’une explosion proche de sa surface, elle-même initiée par un flot de matière en provenance d’une étoile voisine. Néanmoins, l’étude de la lumière de l’explosion invalida cette possibilité, ainsi que l’ampleur du phénomène, jamais observé dans de telles proportions puisqu’au maximum de son éclat, V838 Monocerotis rivalisa brièvement avec les plus brillants spécimens de la Voie lactée.

 

À événement atypique, explication exotique. Celle-ci s’imposa avec ce que les observations révélèrent deux ans après la fameuse explosion : à l’endroit où elle s’était produite, on ne trouvait pas une, mais deux étoiles d’assez grande masse (environ huit fois celle du Soleil), et fort jeunes, avec un âge estimé à 4 millions d’années. Ces deux caractéristiques permirent d’envisager que l’explosion n’avait pas été provoquée par un flot important de matière tombée sur l’une ou l’autre des étoiles, mais par la collision entre une de ces étoiles et une autre, bien moins massive et désormais disparue.

 

Dans les pouponnières stellaires, les naissances se font de façon simultanée et il n’est pas rare que se forment des couples d’étoiles, voire des groupes à plus de deux éléments. Il s’avère qu’en fonction de la position et des masses initiales des étoiles, les systèmes triples sont souvent instables, surtout quand une des trois étoiles est nettement moins massive que les autres. En général, celle-ci finit par être expulsée ou avalée par une des deux autres, une issue qui arrive assez tôt dans la vie du trio. C’est précisément la seconde de ces possibilités qui semble s’être produite dans ce jeune et intriguant système.

 

En prime, le phénomène engendra un effet visuel étonnant. Le flash de l’explosion voyagea dans un premier temps comme il se doit en ligne droite, mais un phénomène de réverbération fit que la lumière se réfléchit aussi sur le gaz environnant avant de nous atteindre, ce qu’elle fit donc avec un certain retard puisqu’elle emprunta un chemin plus long.

 

« Dans l’espace personne ne vous entend crier », annonçait avec justesse l’affiche du film Alien. C’est vrai, néanmoins dans l’espace, il y a parfois de l’écho… lumineux.

 

L’écho lumineux du système V838 Mon dans les deux années qui ont suivi l’explosion qui s’y est produite.

 

Crédit : NASA and The Hubble Heritage Team (AURA /STScI)