La tête dans les étoiles - Épisode 66 : Capsule temporelle
18/01/2022
En 1976 puis 1992 furent lancés par la NASA et l’agence spatiale italienne les deux satellites LAGEOS destinés à cartographier le champ gravitationnel de notre planète à 5 000 km au-dessus de sa surface. Afin d’être le moins possible gênés par l’infime portion d’atmosphère encore présente à de telles altitudes, ils ont la forme de simples sphères métalliques tapissées de miroirs qui, en renvoyant des signaux émis par des stations terrestres au sol, permettent de déterminer très précisément leur position et l’influence des irrégularités de notre planète sur leur trajectoire.
D’une forme géométrique aussi pure et dénués de la moindre aspérité, ils vont pouvoir rester là-haut pendant des siècles, mais pas éternellement. D’ici huit millions d’années environ, les frottements de l’atmosphère devraient finalement les ramener non pas à la raison, mais à la surface de notre bonne vieille Terre. Ils survivront probablement à la rentrée atmosphérique puis à leur chute au sol et pourront être récupérés par ce qu’il restera de l’humanité, ou par ce qui l’aura remplacée.
C’est pourquoi les ingénieurs de ces deux missions ont réfléchi à laisser un message à leurs si lointains et hypothétiques descendants. Mais en quelle langue ? C’est la plus universelle, ou disons la plus terrestre de toutes, à savoir le langage de la Terre elle-même, c’est-à-dire… la géologie. Après avoir expliqué par un pictogramme que l’unité de temps utilisée était l’année, et après avoir égrené les dix premiers nombres en écriture binaire (« 1 » pour un, « 10 » pour deux, « 11 » pour trois, etc.), les ingénieurs se sont contentés de représenter un planisphère terrestre (de l’époque du lancement) et d’indiquer à quoi ressemblera notre Terre au moment de la chute des satellites, d’ici 8 millions d’années, soit dans environ 100 000 000 000 000 000 000 000 ans si on écrit les choses en binaire. Par sécurité, ils ont également représenté un troisième planisphère montrant les dispositions des continents 250 millions d’années auparavant, soit, en binaire, il y a 10 000 000 000 000 000 000 000 000 000 ans…
La plaque gravée à la surface du satellite LAGEOS-1 figure la dérive des continents sur plusieurs millions d’années pour indiquer l’époque du lancement du satellite.
Crédit : Carl Sagan