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La tête dans les étoiles - Épisode 69 : Ravioli ou pâtisson

01/03/2022

On sait depuis Isaac Newton pourquoi les planètes sont rondes. Leurs constituants s’attirent les uns les autres sous l’effet de la force de gravitation et tendent à s’agencer afin de minimiser leurs distances mutuelles, ce à quoi ils parviennent quand ils s’agglomèrent sous la forme d’une sphère. Les astres sont donc sphériques, du moins tant qu’ils sont suffisamment gros et massifs pour que la gravitation soit assez intense pour vaincre leurs forces de cohésion. En dessous d’une taille critique d’environ 300 à 400 km, les formes plus ou moins biscornues dominent (lire épisode 13 de cette chronique).

 

Dans cet étrange zoo joyeusement désorganisé, figurent pourtant quelques exceptions ou, disons, des formes irrégulières d’une grande harmonie. Pour les trouver, direction la bordure extérieure des anneaux de la planètes Saturne où se trouve le satellite Atlas et, dans les anneaux mais proches du bord, des zones vides de matière où circulent deux autres satellites, Daphnis et Pan. Qu’ils soient extérieurs (Atlas) ou dans les anneaux (Daphnis et Pan), ces trois satellites se sont formés de la même façon : une région un peu plus dense en matière s’est agglomérée en un embryon de quelques centaines de mètres dont l’infime gravité a lentement mais sûrement attiré à elle la matière environnante. Puis, en circulant autour ou dans des anneaux de près de 800 000 km de circonférence à cet endroit, la gravité a suffisamment grignoté ces derniers pour que la matière agglomérée atteigne une taille d’une ou plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre tout en faisant le ménage dans son voisinage.

 

Comme les particules des anneaux sont de toute petite taille, les trois lunes ont pu prendre une forme très sphérique malgré leur infime gravité, mais ils n’en ont pas fini avec leur croissance. Désormais assez éloignés des anneaux qu’ils ont dépouillés sur quelques dizaines de kilomètres de largeur, les satellites ont plus de mal à capter de la matière. Ils ne le font qu’à la faveur de perturbations d’autres satellites plus massifs et plus éloignés, qui font légèrement trembler les anneaux. Dans quelques rares cas, un infime courant de matière se détache des anneaux et s’en vient doucement tomber sur eux, mais uniquement dans le plan des anneaux. Et comme ceux-ci sont très fins (ils ne dépassent jamais la centaine de mètres d’épaisseur), la matière se dépose sur les satellites uniquement le long de leur équateur, donnant aux trois corps une forme bizarre. Celle d’un objet au départ vaguement sphérique sur lequel s’est greffé un épais bourrelet équatorial façon soucoupe volante ou, si vous préférez la gastronomie aux extraterrestres, quelque chose qui ressemble au croisement d’une madeleine, d’un ravioli ou d’un pâtisson (la version végane).

 

Atlas (37 km de diamètre), Daphnis (9 km) et Pan (34 km) imagés en 2017 par la sonde Cassini

 

Crédit : NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute