La tête dans les étoiles - Épisode 71 : Voler sur une autre planète
29/03/2022
Le 18 février 2021, la mission spatiale américaine Perseverance se posait sur Mars, offrant à nous autres terriens, alors confinés par temps de pandémie, une plaisante fenêtre sur un autre monde, certes hostile, mais nous permettant de nous évader d’un quotidien morose.
Conçu sur le même modèle que son prédécesseur Curiosity arrivé sur la planète rouge en 2012, Perseverance est un véhicule autonome monté sur six roues, capable de se déplacer lentement sur la surface martienne et d’en analyser les éléments géologiques les plus intéressants avec son petit laboratoire embarqué. Son but principal est de récolter divers échantillons du sol qu’il laissera derrière lui tel un Petit Poucet robotisé, dans des tubes scellés qu’une mission de récupération viendra ramasser et renvoyer sur Terre d’ici une décennie. En attendant, la star de la mission n’est pas le véhicule lui-même mais Ingenuity, un petit hélicoptère que Perseverance a déposé sur le sol martien peu après son arrivée.
Voler au-dessus du sol martien est un défi complexe. Avec une densité cent fois moindre que sur Terre, l’atmosphère martienne est tellement ténue qu’il est difficile à un engin de s’appuyer dessus pour voler, obligeant l’hélicoptère à être le plus léger possible (moins de 2 kg) tout en faisant tourner ses pales à des vitesses impressionnantes, un processus très gourmand en énergie qui limite drastiquement son autonomie de vol. Ne pouvant être alourdi par des panneaux solaires ou d’imposantes batteries, l’hélicoptère ne recharge que très lentement ces batteries, peu à même de stocker beaucoup d’énergie eu égard à leur faible masse (moins de 300 g). En prime, le froid martien permanent – la température moyenne est de – 60 °C – rend délicate la survie des composants électroniques qui doivent pouvoir être chauffés en permanence grâce à de l’énergie accumulée par les panneaux solaires… réduisant d’autant celle disponible pour le vol. Enfin, la distance qui sépare Mars de la Terre rend impossible tout pilotage d’Ingenuity à distance. C’est donc à l’aide d’un logiciel embarqué totalement autonome que l’hélicoptère doit évoluer, en étant capable de lui-même de gérer tous les nombreux imprévus qui pourraient se présenter à lui.
Avec de telles contraintes, on peut se demander si le jeu en vaut la chandelle. La réponse est positive. Et pour deux raisons. Tout d’abord, l’hélicoptère est capable de parcourir quelques centaines de mètres lors de ses trois minutes de vol. La distance paraît faible mais elle est considérable comparée à la vitesse, très lente, à laquelle Perseverance peut évoluer sur le sol martien fort accidenté (tout au plus quelques mètres par jour, là encore de façon quasi autonome). Observer les environs depuis quelques mètres de hauteur pourra à terme être d’une grande aide pour mieux identifier les cibles géologiques les plus intéressantes en économisant le temps d’une lente exploration depuis le sol.
Surtout, Ingenuity est le précurseur d’une mission autrement plus ambitieuse. Baptisée Dragonfly (« libellule » en anglais), celle-ci se compose d’un drone bien plus gros qui, lui, devra évoluer dans des conditions différentes mais non moins extrêmes, à savoir au-dessus de la glaciale surface de Titan (–180 °C), le plus gros satellite de Saturne et le seul satellite du Système solaire doté d’une atmosphère dense. Départ de la Terre en 2027 si tout va bien, pour une arrivée au voisinage de la planète aux anneaux en 2034…
Ingenuity (en haut), déjà sur Mars, et Dragonfly (vue d’artiste, en bas), qui se posera sur Titan dans une grosse décennie.
Crédit : NASA/JPL-Caltech/ASU/MSSS, NASA/APL