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La tête dans les étoiles - Épisode 77 : Sondage… galactique

21/06/2022

À quoi ressemblent les populations d’étoiles de notre galaxie ? C’est entre autres choses pour répondre à cette question qu’a été conçue la mission européenne Gaia, lancée en 2013, et qui a rendu publique une nouvelle analyse de ses données la semaine dernière.

 

Recenser les étoiles connues est une activité presque aussi ancienne que l’astronomie elle-même : dès le iie siècle avant notre ère, l’astronome grec Hipparque avait compilé un catalogue d’étoiles, aujourd’hui perdu mais mis à jour plus ou moins rigoureusement par Claude Ptolémée quelque 300 ans plus tard (lire épisode 3). Ce dernier comprenait un peu plus de 1 000 objets. Des catalogues de plus en plus volumineux furent réalisés à partir de la Renaissance mais restaient limités par les techniques d’observation de l’époque ainsi que par l’atmosphère terrestre qui, en floutant inéluctablement les images, empêchait de bien déterminer les positions et surtout les distances des étoiles, préalable indispensable pour cerner notre environnement cosmique. À la fin du siècle dernier, la mission spatiale Hipparcos, baptisée en l’honneur de son illustre et antique prédécesseur, démontrait que les limitations rencontrées par les instruments au sol pouvaient être dépassées en allant dans l’espace : si le nombre d’étoiles mesurées par Hipparcos n’était certes pas très élevé pour les standards de l’époque (une centaine de milliers), la qualité des informations recueillies pour chaque étoile était incomparablement meilleure.

 

La mission Gaia s’inscrit dans ce contexte de course à la qualité mais aussi à la quantité de données recueillies. Avec une caméra de plus de 900 millions de pixels, Gaia tourne lentement sur lui-même, à l’image d’un radar qui balaie progressivement tout le ciel. Depuis 2014, le satellite a récolté des données sur 70 millions d’étoiles observées chaque jour et sans discontinuer. Et chaque étoile étant vue de nombreuses fois, cela permet de mieux connaître ses caractéristiques. Ce sont ainsi plus de 2 milliards d’objets qui ont été analysés, principalement des étoiles, mais aussi environ 300 000 astéroïdes et 5 millions de quasars qui sont les cœurs de galaxies très lointaines abritant un trou noir géant. Bien sûr, la logistique pour mener à bien un tel projet suit les mêmes proportions : plus de 10 000 téraoctets de données ont été recueillis puis analysés par 25 000 processeurs répartis dans six centres de calcul en Europe.

 

Le tout pour un résultat impressionnant : il s’agit de mesurer la position, la distance, le déplacement sur le ciel, l’éclat et sa variabilité éventuelle, ainsi que la composition chimique du plus grand nombre d’objets observés, et d’en détecter toutes les particularités, comme le fait que des étoiles, d’apparence ponctuelle, forment en réalité un système de deux astres en orbite rapprochée (voir épisode 51). Vu que les étoiles sont la brique de base des galaxies, les données de Gaia n’intéressent pas seulement les spécialistes des étoiles. Comme le résument, sans fausse modestie, les responsables de la mission : « À peu près tous les domaines de l’astronomie bénéficieront des résultats obtenus par Gaia. » Et l’histoire n’est pas finie. La livraison de la semaine passée ne concerne que les 34 premiers mois d’opération du satellite, mais celui-ci a été conçu pour fonctionner jusque vers 2025. C’est donc un volume d’informations presque quatre fois plus grand qui est attendu à terme et la promesse de lever bien des secrets.

 

L’image ci-dessus n’en est pas une. Elle a été fabriquée à partir des données de position, éclat et couleur de centaines de millions d’étoiles, au point de représenter l’aspect exact de notre galaxie, la Voie lactée, vue depuis la Terre.

 

Crédit : ESA/Gaia/DPAC