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La tête dans les étoiles - Épisode 82 : Jouer à se faire peur

27/09/2022

Nos ancêtres les Gaulois avaient, dit-on, peur d’une seule chose : que le ciel leur tombe sur la tête. Si l’on se réfère à l’événement cosmique le plus dévastateur de l’histoire récente de la Terre, à savoir l’astéroïde ou la comète de 10 km de diamètre qui a heurté notre planète il y a 66 millions d’années, éradiquant de nombreuses espèces dont les dinosaures, c’est une crainte assez fondée en apparence. Pourtant, sur les cinq grandes extinctions qu’a connues la biosphère, seule celle des dinosaures semble clairement imputable à un événement cosmique. Toutes les autres, à commencer par l’extinction Permien-Trias il y a 252 millions d’années, la plus dévastatrice, sont attribuées à des causes géophysiques. Un gros accident reste possible mais ne semble statistiquement pas pour demain, donc.

 

Il n’empêche, la perspective d’une autre catastrophe venue du ciel est présente dans l’esprit de tous et a abondamment été reprise dans des œuvres de fiction comme les films Armageddon et Deep Impact au siècle dernier, et plus récemment Don’t look up. Peut-être un peu sous la pression populaire, elle figure aussi à l’agenda des agence spatiales.

 

En pratique, un impacteur est d’autant plus dangereux qu’il est de grande taille, mais ces objets sont suffisamment rares pour que le risque de collision entre l’un d’eux et la Terre puisse être considéré comme négligeable. Le risque est plus important avec un impacteur de taille bien plus modeste (quelques centaines de mètres tout au plus) car de tels objets sont bien plus nombreux. Leurs conséquences sont moins redoutables, mais pas négligeables pour autant, l’un d’eux pourrait par exemple raser une ville...

 

Il existe de nombreux scénarios envisageables pour tenter d’éviter une telle catastrophe, qui se résument tous à dévier d’une façon ou d’une autre la trajectoire d’un impacteur de petite taille afin de l’empêcher de heurter la Terre, et à ce jeu, le plus tôt est le mieux : plus la tentative de déviation se fait longtemps à l’avance, moins la déviation nécessaire est importante.

 

La mission américaine DART (qui signifie « fléchette » en anglais, mais qui en réalité est l’acronyme de Double Asteroid Redirection Test) a pour but de tester ce que nos capacités actuelles sont en mesure de faire dans la version la plus basique qui puisse être, celle d’une collision à grande vitesse (23 700 km/h) entre un engin de fabrication humaine de 550 kg avec un impacteur potentiel, qui est ici la petite lune astéroïdale Dimorphos et ses 160 m de diamètre en orbite autour de l’astéroïde Didymos. Le choix de cette cible n’est pas dû à sa dangerosité, mais au caractère binaire du système : il sera plus facile de mesurer concrètement la variation de l’orbite de Dimorphos autour de Didymos après l’impact que la variation de la trajectoire d’un objet isolé autour du Soleil.

 

La collision a eu lieu dans la nuit du 26 au 27 septembre. Elle a été suivie au sol par de nombreux télescopes et a été filmée in situ par le microsatellite LICIACube qui accompagnait de loin DART, et surtout, les conséquences de celle-ci feront l’objet d’une autre mission spatiale, européenne celle-là. Baptisée HERA, elle atteindra l’astéroïde en 2026 et l’étudiera en détail afin de voir les conséquences de l’impact et obtenir des informations sur la structure interne de ces petits corps, encore assez mal connus. À défaut de sauver le monde, cette mission aura au moins le mérite d’avoir des retombées scientifiques intéressantes.

 

Schéma montrant l’impact de la collision de DART sur l’orbite de Dimorphos autour de Didymos ; Didymos (à gauche) et Dimorphos (à droite) imagés par DART quelques seconde avant l’impact ; dernière image de la surface rocailleuse de Dimorphos, prise une seconde avant l’impact.

 

Crédit : NASA, Johns Hopkins Applied Physics Laboratory