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La tête dans les étoiles - Épisode 83 : Promesse tenue (2e partie)

11/10/2022

L’année dernière, j’évoquais la sonde américaine Juno, lancée en 2011 et arrivée en orbite autour de Jupiter cinq ans plus tard grâce à une manœuvre d’assistance gravitationnelle (voir l’épisode 81) effectuée au voisinage de la Terre en 2013. Destinée à sonder l’intérieur de Jupiter, la sonde n’avait pas été équipée du moindre système d’imagerie, une hérésie dont s’étaient plaints nombre de citoyens américains, ceux-là même qui par leurs impôts avaient financé le projet. De mauvaise grâce, la Nasa avait ajouté un système d’imagerie minimaliste, en fait recopié sur la caméra utilisée par la mission martienne Curiosity pour monitorer la phase finale de sa descente et son atterrissage sur la planète rouge. De façon très ironique, c’est précisément grâce à cette caméra invitée de dernière minute que la mission Juno a pu susciter un réel engouement auprès du public en rapportant d’hypnotiques images des formations nuageuses joviennes (voir l’épisode 50). Plus récemment, la trajectoire complexe de la sonde autour de Jupiter a été ajustée pour lui permettre de survoler trois de ses principaux satellites. Ce fut d’abord Ganymède, en juin 2021 (voir l’épisode 53) puis, le mois dernier, Europe.

 

Comparé à une boule de billard pour sa quasi-absence de relief, Europe représente un intérêt majeur pour les exobiologistes. Sa surface, très froide, est intégralement recouverte de glace, mais des mesures indirectes indiquent que celle-ci, épaisse de plus de 10 kilomètres, flotte sur un vaste océan d’eau liquide de plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur. Mieux encore, sa surface est constellée d’anciennes failles qui montrent que, au moins par le passé, de l’eau liquide a jailli à la surface du satellite. Les photos prises par la sonde Juno pourraient aider dans ce contexte à voir si le phénomène se produit encore de nos jours. Tout changement observé par rapport aux clichés pris il y a vingt ans par la sonde Galileo, ou bien encore vingt ans plus tôt par les sondes Voyager, pourrait apporter une réponse positive à cette question, nourrie des fantasmes de possible découverte de traces de vie extraterrestre dans cet océan sous-glaciaire. Et à ce jeu, les scientifiques ont des raisons d’être optimistes : la quasi-absence de cratères d’impact à la surface d’Europe indique de façon certaine que celle-ci a été remodelée récemment à l’échelle géologique, c’est-à-dire il y a moins de quelques dizaines de millions d’années.

 

L’odyssée de la sonde Juno n’est pas encore terminée. Si son électronique survit encore dix-huit mois au très hostile environnement électromagnétique de Jupiter, elle aura l’occasion de survoler un troisième satellite, Io, l’objet le plus volcanique du Système solaire, d’abord en décembre 2023 puis en février 2024.

 

Europe, imagée par la sonde Juno le 29 septembre dernier. Quelques rares reliefs sont visibles au niveau du terminateur (la zone de séparation entre les parties éclairées et non éclairées du satellite), ainsi que les innombrables traces d’anciennes failles qui zèbrent sa surface.

 

Crédit :  NASA/SWRI/MSSS/Jason Perry