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La tête dans les étoiles - Épisode 84 : Fantômes, chauve-souris et balai de sorcière

25/10/2022

À l’approche de la médiatique et controversée fête d’Halloween, la chronique de cette semaine vous propose un petit voyage dans quelques coins parmi les plus « effrayants » du ciel.

 

Première étape de notre exploration, les Dentelles du Cygne, une vaste zone située dans la constellation du même nom. Il s’agit du vestige d’une explosion d’étoile qui s’est sans doute produite il y a une dizaine de milliers d’années. Invisible à l’œil nu, la nébuleuse se révèle à l’aide de photographies à longue pose de l’utilisation de filtre atténuant la lumière des étoiles au profit de celle du gaz de la nébuleuse elle-même. La coquille de matière expulsée par l’explosion revêt une forme de plus en plus irrégulière à mesure qu’elle se dilue dans le milieu interstellaire. Initialement sphérique, elle évoque désormais plutôt un point d’interrogation et peut être subdivisée en plusieurs sous-régions plus ou moins individualisées. Côté gauche se trouve la zone baptisée NGC 6995, informellement appelée nébuleuse de la Chauve-Souris pour sa forme, effectivement évocatrice d’un mammifère volant. Côté droit des Dentelles se trouve une région rectiligne légèrement évasée. Son nom ? La nébuleuse du Balai de Sorcière, quoique sans sorcière, à moins que la brillante étoile d’arrière-plan au-dessus du balai ne la représente.

 

On peut ensuite prendre la direction de la constellation de Céphée et la plus discrète nébuleuse Sh2-136. Il s’agit d’une nébuleuse dite en réflexion, où un nuage de gaz de taille astronomiquement modeste (quelques années-lumière) reflète passivement la lumière d’étoiles massives située dans leur voisinage, lui conférant une lueur quelque peu… fantomatique, impression renforcée par sa structure filamenteuse qui n’est pas sans évoquer des apparitions spectrales, à l’origine de son nom informel de nébuleuse des Fantômes. Quelques encablures astronomiques plus loin, dans la constellation de Cassiopée, se trouve IC 63, une nébuleuse des plus discrètes à la silhouette tout aussi fantomatique, d’où son nom mérité de Fantôme de Cassiopée, même si ledit fantôme, plus coloré, n’est guère intimidant.

 

Cependant, dans le registre effrayant, rien n’égale certains cadavres stellaires officiellement qualifiés de « veuves noires ». Ces objets sont issus de l’évolution d’étoiles massives et se sont transformés à l’issue de leur vie en cadavres stellaires très compacts appelés, selon les cas, étoiles à neutrons ou pulsars (voir épisodes 65 et 72). Dans l’hypothèse où ces étoiles formaient depuis leur naissance un couple avec une étoile moins massive, dotée d’une plus grande espérance de vie, il peut arriver que le cadavre stellaire vampirise l’étoile qui lui a survécu. Au départ, l’intense champ de gravité du pulsar est suffisant pour aspirer une grande partie de la masse de sa compagne, jusqu’à ce qu’il n’en reste que la partie centrale, dont la taille n’excède pas celle d’une planète. Désormais trop compact pour être aspiré par le pulsar, il est, à l’inverse, littéralement soufflé par l’intense rayonnement émis par ce dernier, qui va lentement mais sûrement le faire disparaître. On connaît plusieurs de ces « veuves noires », du nom bien peu poétique de PSR B1957+20, PSR J1544+4937 ou PSR J1719-1438. Toutes trois ont pour compagnon des objets de masse planétaire (22, 18 et à peine 1 fois la masse de Jupiter, respectivement), qui étaient selon toute vraisemblance au départ des objets de masse stellaire des centaines voire des milliers de fois plus massifs, désormais voués à disparaître à brève échéance.

 

 

Les nébuleuses de la Chauve-Souris, du Balai de Sorcière et des Fantômes, ainsi que le Fantôme de Cassiopée.