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La tête dans les étoiles - Épisode 93 : Le jour où les hommes ont compris que le ciel leur tombait parfois sur la tête

28/02/2023

Le 13 février dernier, un événement astronomique à la fois banal et remarquable s’est produit en France. Une météorite dont le diamètre initial avoisinait probablement un mètre a croisé la trajectoire de la Terre au-dessus de la Normandie, puis s’est désintégrée. Une grande partie a été intégralement vaporisée, mais quelques débris sont tombés au sol où certains ont été récupérés. C’est une des premières fois que le bolide est découvert peu avant son entrée dans l’atmosphère, permettant de prédire le lieu de chute des débris, augmentant considérablement les chances d’en retrouver et, en prime, de déterminer au mieux son orbite initiale et donc son origine. L’étude des météorites se trouve en effet considérablement enrichie par la connaissance de son contexte astronomique, c’est-à-dire de sa trajectoire dans le Système solaire, pourvoyeuse de nombreux renseignements sur sa possible origine.

 

Trouver des météorites tombées au sol est simple en apparence : le bruit de la météorite lors de sa rentrée atmosphérique et la traînée lumineuse qu’elle laisse sont facilement observables à une grande distance et depuis de nombreux lieux d’observation, ce qui permet par triangulation de bien identifier le lieu probable de la chute. Paradoxalement, à une époque où de moins en moins de personnes travaillent en extérieur, et où ceux et celles qui sont dehors évoluent dans un environnement souvent bruyant, il s’avère plus difficile d’observer des chutes de météorites, comparé à il y a un ou deux siècles… C’est pour corriger une telle anomalie que plusieurs laboratoires français d’astronomie ont conçu, il y a une bonne dizaine d’années, le projet FRIPON, acronyme de Fireball Recovery and InterPlanetary Observation Network (soit « réseau d’observation interplanétaire et de récupération de météorites »). Son but est d’observer en permanence le ciel de la métropole, à l’aide d’un réseau d’une centaine de caméras au format fish-eye, afin de repérer en direct les météorites de grande taille et localiser le plus rapidement la zone de chute des débris, avec une précision meilleure que le kilomètre. Reste ensuite à recruter sur place des volontaires pour identifier au sol les débris, surtout s’ils sont dans une zone facile d’accès et peu accidentée, comme un champ. Problème : une fois tombés, ces débris deviennent rapidement la cible de divers indélicats et autres trafiquants de météorites, prêts à sauter dans le premier avion pour tenter de récupérer un débris de 100 grammes dont la valeur à la vente, après avoir soigneusement été découpé en petits fragments, peut rapporter bien plus que le prix du voyage…

 

Concernant la chute du 13 février, les volontaires du projet FRIPON n’étaient donc pas les seuls sur les rangs mais ils ont été les premiers sur zone et sans doute les plus expérimentés dans l’exercice. En une semaine, ils ont retrouvé 12 débris de la météorite dont un avoisinant les 100 g, une prise assez remarquable qui permettra d’excellentes analyses scientifiques.

Pour l’anecdote, c’est grâce à un événement survenu 220 ans plus tôt et une centaine de kilomètres plus au sud que les météorites sont devenues un sujet d’étude scientifique. Des chutes de météorites réellement documentées existaient avant la fin du xixe siècle, mais jusque-là elles étaient plutôt vues comme des présages divins et non des phénomènes naturels. Et les voies du Seigneur étant impénétrables, comme le dit l’adage, elles ne nécessitaient pas d’explication. C’est le 26 juillet 1803 que la donne change et de façon définitive. Au-dessus de la petite commune française de L’aigle, dans le département de l’Orne, des centaines de personnes entendent et voient une météorite tomber, dont beaucoup s’empressent de récupérer des débris. Rapidement dépêché sur place, un membre de l’académie des sciences, Jean-Baptiste Biot, s’attache à recueillir les récits des nombreux témoins du phénomène et constate que ceux-ci sont d’une remarquable similitude, attestant de la réalité du phénomène et surtout de la possibilité de le décrire correctement.

 

L’équipe du projet FRIPON pose fièrement devant le plus gros échantillon récupéré.

 

Crédit : DR